Les Raves, aliments pour pauvres gens
Au Moyen Age,
en France ou ailleurs en Europe, le terme " raves " s'appliquait à presque
toutes les " racines " qui poussaient dans le sol par opposition aux " herbes
" nom générique donné à diverses plantes potagères à feuilles vertes.
De tout
temps, dans les pays aux sols ingrats et aux climats froids de ces contrées,
les " raves " ont été des aliments de pauvre, de paysan, d'avare, ultimes
ressources des temps de disette. Au XIX° siècle encore, les mangeurs de raves
de Savoie et du Limousin passaient, avec les mangeurs de châtaignes pour les
plus misérables qu'on ait pu imaginer, aux yeux de leurs contemporains mieux
nantis. Ne disait-on pas, au siècle dernier en Limousin : " Se la rabiola
et la castagna venount a manqua lou païs es rouina " (Si la rabioule (rave)
et la châtaigne viennent à manquer tout le pays est ruiné).
Le navet, moins grossier, restait pourtant une nourriture ordinaire, quoique
plus largement cultivé et vendu dans les villes. Avant l'introduction de la
pomme de terre et du haricot, comme il se mariait bien avec les viandes, surtout
le mouton, il entrait dans tous les ragoûts et fricassées. Son mérite culinaire
et son rôle primordial dans les moments de disette s'amenuisera au fil des
temps. Sans le " canard aux navets ", combien de gens ignoreraient actuellement
le goût de ce vieux légume ?
Les Alsaciens
et les Lorrains germanophones, fidèles à l'habitude germanique de consommer
des légumes suris, aimaient et aiment encore, mais moins qu'il y a un siècle,
les navets confits dans le sel (Saurerüben). La " naveline " resta longtemps
avec la choucroute, le plat ordinaire du dimanche, accompagné, chez les mieux
nantis, de saucisses, de lard et de porc fumé ou frais. Chez les plus riches,
elle apparaissait encore deux fois par semaine le mercredi et le samedi.
Lorsque j'étais gamin, dans ma Vosge natale, on se régalait aussi le dimanche
avec le rutabaga découpé en lacets, agrémenté de petites saucisses croustillantes,
que c'était bon !
Ainsi la consommation de ces racines venues du fond des âges, précieux aux
moments des famines, se maintenait, avec une certaine noblesse, en dépit de
l'introduction de légumes réputés plus nourrissants.
Claude Thouvenot
Les
Légumes Racines
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